Je voudrais commencer par dire que j’ai très froid et que cela aura au moins le mérite de nous permettre d’expérimenter ce que vivent 5 millions de foyers en France qui souffrent de précarité énergétique et qui ne peuvent pas se chauffer convenablement. C’est comme cela qu’ils vivent la journée, le soir, le weekend. Les débats qui nous animent aujourd’hui confirment que certains oublient t rop souvent les fractures territoriales et sociales qui ne cessent de s’amplifier à une échelle bien plus vaste que notre Métropole.
Comment Bordeaux est-elle devenue un bastion des Gilets jaunes ? C’est ce que titrait Le Monde en février 2019. Alors, comment ? À coup de spéculations immobilières, de politique d’attractivité économique d’arrière-garde et aujourd’hui encore, de grands projets d’ancien monde, de type GPSO, dont les prouesses technologiques, la vitesse, le prestige gonflent le torse de quelqu es- uns.
Ont-ils pensé un seul instant à la vie quotidienne des gens ? Non pas la vie de ceux qui partagent cet hémicycle et qui négocie un vote contre une place VIP, mais à celles et ceux qui doivent se rendre le matin sur leur lieu de travail, dans leur établissement scolaire, qui souhaitent un trajet rapide, sécurisé, car ils n’ont même pas le moyen de vivre en centre-ville. Celles et ceux qui se sentent isolés, dont la seule alternative de mobilité est la voiture individuelle avec son lot de contraintes et de coût aléatoire.
Pour de nombreuses personnes travaillant, étudiants, pour des familles en milieu rural, périurbain, le train est souvent l’alternative à la voiture. Les trains du quotidien souffrent d’un sous-investissement chronique. Les TGV ne concernent qu’un usager sur 10, et 6 milliards d’euros sont attendus de la part de l’État depuis plus de 10 ans pour rénover le réseau régional. Au lieu de quoi, le GPSO propose d’engouffrer plus du double de cette somme : 14 milliards d’euros.
À l’heure des urgences climatiques, sanitaires et sociales, il nous faut réinventer de toute urgence nos déplacements et accompagner la mutation des usages.
La solution est dans notre capacité à proposer des alternatives qui profitent à tous les territoires, même les moins denses, à tous les publics même les plus fragiles, qui encouragent la proximité et priorisent les déplacements du quotidien. Au-delà de nos frontières pyrénéennes, l’AVE espagnole a considérablement renforcé la domination de Madrid comme ville-centre au même titre que la LGV renforce la position de Paris.
On s’étonnera alors des arguments de certains qui se trouvent sur la bonne voie de l’écologie, qui se veulent fervents défenseurs des territoires vulnérables, de l’équité territoriale, qui clament haut et fort le renforcement de la décentralisation à l’approche des présidentielles et qui pourtant défendent corps et âme ce projet qui aura des conséquences contraires, et ça on le sait.
On sait que ceux qui se situeront entre les pôles urbains desservis se déplaceront finalement en voiture, faute de train du quotidien. Puis, les moins riches utiliseront les solutions alternatives du bus, de la voiture, du covoiturage, moins onéreuses, mais dont l’empreinte carbone est plus élevée, voire emprunteront sur le même trajet Toulouse-Paris des vols low cost dont les billets sont vendus à partir de la modique somme de 25 euros, bien en-deçà du coût exorbitant des trajets en LGV.
Lorsqu’on tente de nous vendre le TGV qui remplace les avions, on nous parle de durée : moins 20 minutes par-ci, plus 2 heures par-là, mais dans la vraie vie, la plupart des gens ne courent pas après 20 minutes. En revanche, ils regardent leur porte-monnaie. Cela ne veut pas dire que les gens sont insensibles à l’écologie, ça veut dire que quand on ne roule pas sur l’or, dans la vraie vie on gère ses propres urgences comme on le peut.
Pour finir, quand on sait que la vitesse augmente les distances plus qu’elle ne diminue le temps de transport, à qui profite vraiment ce projet de train à grande vitesse ?
Merci.