Intervention

Clément Rossignol-Puech : GPSO, débat sur le projet de ligne à très grande vitesse

Intervention de

Clément Rossignol-Puech

Vice-Président en charge des Mobilités

Conseil du

25 Novembre 2021

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Monsieur le Président, mes chers collègues, quel coup de Jarnac de la part du Gouvernement et du Premier Ministre Jean CASTEX ! Réussir à déterrer ou plutôt à ressusciter d’entre les morts temporairement ce projet qui n’ira pas jusqu’au bout, ce projet de GPSO daté de plus de 30 ans, projet pensé dans les années 80, du siècle dernier, où les enjeux environnementaux, d’aménagement du territoire, de biodiversité, financiers, démocratiques n’étaient pas aussi palpables que maintenant, et cela de façon opportuniste à quelques mois évidemment des élections présidentielles…

C’est d’autant plus incroyable que l’État impose aux Collectivités Territoriales un calendrier extrêmement précipité, on peut le dire. Deux mois pour engager les collectivités sur 40 % de 14 milliards d’euros, soit 6 milliards d’euros.

L’État nous impose aussi une participation financière importante puisqu’il ne participe, lui, qu’à hauteur de 40 %, ce qui suppose que notre collectivité va contribuer à hauteur de 605 millions d’euros, contre uniquement 182 millions d’euros en 2009 pour la LGV SEA Tours-Bordeaux.

Du fait de ce calendrier imposé par l’État très serré, trop serré, aucune étude n’a été présentée aux élus de cette assemblée, pas de groupe de travail, pas de Comité de pilotage. Nous avons eu une Commission réunie avec Monsieur KAUFFMANN, le chef de projet désigné par l’État, qui découvrait le dossier puisqu’il a été nommé il y a un mois. C’est donc la démocratie interne qui en pâtit du fait de ce calendrier extrêmement serré.

Comment voter ce projet alors qu’il ne repose sur aucun bilan récent économique, environnemental ou en termes de report modal, ni sur les études des autres lignes LGV qui ont été réalisées ? Rappelons qu’une seule minute gagnée avec le Grand Projet du Sud-Ouest a un coût d’environ 166 millions d’euros, ce qui représente la création de 300 lits d’hôpital public ou encore la construction de trois lycées.

Comment voter ce projet alors que la COP26 nous rappelle à l’urgence climatique ? La crise climatique mondiale doit supplanter la recherche de gains effrénés de temps, quoi qu’il en coûte.

Comment voter ce projet alors qu’il contribue à la fracture territoriale et aux difficultés sociales et de mobilité ? La démonstration est criante. Les Régions et les Métropoles sont pour. Les Départements sont contre, sacrifiés sur l’hôtel de la très grande vitesse, uniquement traversés, et s’y opposent logiquement.

Et le fret ? L’histoire nous démontre, l’histoire française, l’histoire du fer, que plus il y a de LGV, moins il y a de fret. Plus il y a de LGV, moins il y a de trains quotidiens. En effet, il y a l’écartement des voies espagnoles, l’Espagne sera correctement reliée au reste de l’Europe, c’est en cours et ce sera fait, GPSO ou pas GPSO. Le projet ici, GPSO 2, 2 ème phase, c’est Bordeaux-Dax. Entre Dax et la frontière espagnole, ce n’est pas chiffré, ce n’est pas financé, il n’y a pas d’agenda, il n’y a pas de fret. Il n’y a rien, nada, dans ce projet entre Dax et la frontière espagnole. Pour le fret, c’est le grand vide.

Comment expliquer qu’aucune étude conséquente n’ait été réalisée sur la modernisation des voies, si ce n’est par dogmatisme de la très grande vitesse. La très grande vitesse est de 340 km/h, la grande vitesse est de 250 km/h. Vous savez que la consommation d’énergie, la consommation d’espace naturel, les frais financiers, c’est comme le carré de la vitesse, c’est de la physique. Et quelle est la différence entre 340 km/h sur 30 km, 50 km, ou 250 km/h sur ces mêmes distances ? En temps, pratiquement rien. En coût, énormément !

Donc oui, la modernisation des voies pourrait nous faire gagner de nombreux milliards, sans avoir pour conséquence un saccage des territoires et de la nature. Nous sommes pour la grande vitesse. Nous sommes contre la très grande vitesse. A contrario, les trains du quotidien souffrent d’un sous-investissement chronique et les TGV ne concernent qu’un seul usager de la SNCF sur 10.

Rappelons que 6 milliards d’euros sont attendus de la part de l’État depuis plus de 10 ans pour rénover le réseau régional, là où ils en proposent un, 10 % du prix de la GPSO, au lieu de quoi GPSO va tout balayer, prend tout.

Nous soutenons le train du quotidien comprenant bien évidemment le RER métropolitain, outil indispensable du schéma des mobilités et par conséquent, nous votons les Aménagements Ferroviaires du Sud de Bordeaux, nous sommes favorables à ces aménagements pour le fret, pour le train du quotidien et pour le RER métropolitain.

Pour autant, nous ne voterons pas cette délibération puisque ce qui est proposé aujourd’hui, c’est de participer à l’Établissement Public Local qui sera créé par voie d’Ordonnance afin de

financer le projet GPSO, Grand Projet du Sud-Ouest. Nous ne souhaitons pas financer les investissements et la création de cet outil.

D’autre part, il nous est dit que l’EPL (Établissement Public Local), c’est l’unique façon de financer les Aménagements Ferroviaires du Sud de Bordeaux. Pourtant jusqu’à aujourd’hui, on y arrive. D’ailleurs, la délibération suivante à l’ordre du jour montre que l’on peut et on va, ce sont les trois tiers : 1/3 l’État, 1/3 la Région et 1/3 la Métropole.

La délibération indique, en son article 4, que la Métropole va fixer sa participation à 354 millions d’euros en fléchant sur les Aménagements Ferroviaires du Sud de Bordeaux. Pourtant, dans le plan du financement infrarégional qui nous a été envoyé hier soir, on peut lire un montant de 865 millions d’euros, soit 605 millions d’euros si on déduit le montant des nouvelles taxes. Ce n’est pas clair. Comment expliquer un delta si important ? Et surtout cela revient à faire payer pratiquement la totalité des AFSB du bouchon ferroviaire bordelais, aujourd’hui estimée à 900 millions d’euros par nous, par la Métropole. On viendrait de payer 865 millions d’euros.

On nous dit que l’EPL va nous permettre de faire des économies. Au lieu de payer 1/3, 300 millions, allons-nous payer 865 millions, ou 600 millions, une fois les taxes déduites ? Et ces dites taxes, cet impôt LGV, vous le savez, c’est une machine à réveiller les Gilets Jaunes, puisqu’ils vont se retrouver à payer pour une LGV qu’ils ne vont pas utiliser et continuer à endurer les difficultés de transport du quotidien. Ces 14 milliards doivent être investis dans la mobilité pour relier les territoires entre eux, innerver les territoires et non pas les traverser à grande vitesse.

Nous ne pouvons pas soutenir cet empressement à valider un projet qui est une véritable gabegie financière, un facteur de destruction environnementale. Nous n’honorons pas cette LGV, elle ne se fera pas. Trop de recours à venir, trop chère, trop datée, trop anachronique, trop politicienne !

Pour conclure, je dirais que les écologistes sont les seuls à être cohérents et unis dans le temps et dans les différentes collectivités contre ce GPSO, contrairement aux autres groupes. Ce qui se cache derrière ces débats animés, c’est la prise en compte des nouveaux enjeux de notre temps.

Doit-on prendre en compte la finitude de la planète et les ressources limitées ? Oui.

Doit-on toujours produire plus dans une course effrénée à la recherche de la vitesse, une course effrénée à la consommation de biens et d’espace naturel ? Non.

La planète ne peut le supporter, les générations futures non plus. C’est pour cela que nous voterons contre cette délibération. Merci pour votre attention.

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