Mes chers collègues, Monsieur LABARDIN a raison, nous ne devons pas, nous ne pouvons pas nous donner des leçons les uns et les autres. Je pense que la situation actuelle nous impose à tous une forte dose d’humilité.
Nous avons un réseau de transport en commun dans lequel nous avons énormément investi, ces dernières années. Nous avons le plus grand réseau de tramways de France avec 77 km, et malgré cela, certains disent à juste titre : « Nous sommes dans le mur. » C’est-à-dire qu’il faut inventer autre chose. Il ne faut pas continuer sur la mauvaise route. Il faut prendre une nouvelle route. Il faut inventer autre chose. C’est en cela qu’il faut que l’on soit humble. Notre seul souci n’est pas de ressortir des vieilles lunes ou de dire « Il faut continuer comme par le passé… », excusez-moi, Michel LABARDIN, de cette expression « …à continuer à faire le tramway des maires ». Je pense que s’il faut ne pas personnaliser le débat, je suis d’accord avec toi, je pense que quand tu nous dis que tu as été maltraité, je pense que tu contribues un peu à personnaliser le débat.
J’ai entendu avec beaucoup d’intérêt tout à l’heure notre collègue DUPRAT nous dire : « Mais l’époque est sans doute finie où les maires allaient voir le Président de la Métropole la tête basse pour réclamer que le tramway desserve leur ville. » Je n’osais pas imaginer que cela se passait comme cela, Monsieur DUPRAT. Vous faites état d’une époque, et donc je me félicite que cette époque-là soit révolue. Ce sont ces démarches-là qui nous ont donné aujourd’hui ce tramway en étoile de 77 km, ce tramway que je persiste à qualifier de « tramway des maires » qui ne donne pas les résultats escomptés malgré les sommes astronomiques que nous avons su investir.
Là où je diverge avec vous aussi, Monsieur LABARDIN, c’est quand vous dites : « On renonce. », on renonce à quoi ? On renonce au tramway sur Gradignan, mais c’est la seule chose à laquelle on renonce. On ne renonce pas à notre ambition. Ce qui me gênerait, c’est que vous soyez aujourd’hui en mesure de nous dire : « Mais vous avez renoncé à toute ambition en matière de mobilité et de transport collectif ». Personne ne l’a dit. Il y a un schéma qui a été exposé, personne, pas grand-monde, ne l’a critiqué en tant que tel. Cela fait plus d’une heure que l’on vous écoute, et j’ai voulu attendre avant de me situer dans le débat, et je vous avoue que je n’ai toujours pas compris. C’est dans ce sens-là que je dois peut-être être un peu lent de la comprenette, je n’ai toujours pas compris pourquoi vous allez vous opposer tout à l’heure à ce schéma des mobilités. On n’a pas entendu d’arguments. Au contraire, Monsieur DUPRAT, je vous ai trouvé plutôt indulgent pour un certain nombre de mesures qui sont aujourd’hui proposées.
J’ai entendu Monsieur CAZENAVE qui a une position, que je respecte, tout à fait nuancée sur ce qui est aujourd’hui proposé. Je prends note de votre esprit nuancé, Monsieur CAZENAVE. Vous avez raison, je suis d’accord avec vous. Les bus express pour qu’ils marchent, il faut des couloirs bus, mais cela dépend des maires. Moi, je peux vous dire en tant que Maire de Bordeaux, je vais tout faire pour qu’il y en ait un maximum… et j’ai déjà commencé à le faire, je crois. Vous voyez un peu les décisions que j’ai prises sur les boulevards enver s et contre certains en disant : « Il faut des couloirs de bus sur les boulevards pour que les bus et les vélos
puissent circuler. » Je pense avoir eu, ce n’est pas moi qui le dis, mais je le dis entre guillemets, peut-être à un moment donné, le courage de prendre cette décision de site propre sous les critiques de beaucoup de mes administrés.
Quand je dis que je ne comprends pas pourquoi vous êtes opposé, il y a une chose que j’ai comprise en écoutant Monsieur BOBET, c’est que c’est un problème de temporalité. Vous l’avez dit, cela a été votre premier argument. C’est-à-dire que l’on va trop vite. Il fallait attendre je ne sais quelle étude. C’est un problème de temporalité. Nous n’avons pas le même sens de la temporalité. Moi, ma temporalité à moi, elle a fait en sorte que cet été, j’ai lu, par exemple, le rapport du GIEC (Groupement Intergouvernemental d’experts sur les évolutions du climat) qui nous dit que nos émissions de gaz à effet de serre, Monsieur le Président BOBET, il ne faut pas les réduire dans 10 ans, il faut les réduire maintenant. Les 10 ans qui viennent vont être absolument impérieux pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Donc, le mérite du plan tel qu’il vient d’être exposé, c’est que ce sont des solutions concrètes à notre por tée, rapides et qui sont de nature à nous permettre de limiter nos émissions de gaz à effet de serre.
Voilà notre temporalité : répondre à l’urgence climatique non pas en remettant sur la table des vieilles chimères, mais en apportant des solutions concrètes qui consistent à favoriser non pas une technique de transport quelle qu’elle soit, et quelles que soient ces mairies, mais dire une panoplie, c’est ce que nous a exposé Clément ROSSIGNOL-PUECH, il faut une panoplie. Il faut favoriser les bus, les bus en site propre, les piétons, les cyclistes, toutes les mobilités douces. Ce sont celles-là que nous avons le devoir d’encourager, non pas en 2032, mais en 2021 et le plus rapidement sera le mieux.
Je comprends très bien que l’on puisse changer d’avis, mais encore faut-il expliquer pourquoi on a changé d’avis. Parfois, quand on a des propos trop péremptoires et peut-être que cela peut nous concerner les uns et les autres, on est doublement comptable des raisons que l’on doit mettre sur la table pour expliquer pourquoi on a changé d’avis.
Et là, j’en viens à votre proposition du métro. Il me semblait avoir compris que vous étiez, vous, Monsieur BOBET, et vos amis politiques, des adversaires résolus du métro. J’ai voulu le vérifier en me disant : « Ma mémoire, elle peut être un peu défaillante. » J’ai pu retrouver ce que disait le Bureau du 26 septembre 2019, Bureau que vous présidiez, Monsieur BOBET où il était question du métro. Pour ne pas être accusé de transformer vos propos, je vais citer exactement ce qui a été dit. Je trouve vos propos d’une grande ou peut-être d’une cruelle actualité. Vous disiez : « Au regard des budgets qu’il faudrait mobiliser, il ne semble guère imaginable de pouvoir tout à la fois maintenir le réseau de tramway et de bus actuel en l’état, de développer de nouvelles lignes, d’investir dans les autres projets de mobilité, RER métropolitain notamment, s’est engagée et de financer un métro. » C’étaient vos propos. Vous avez le droit de changer d’avis, mais au bout de plus d’une heure et demie de débat, venez m’expliquer quels sont les événements qui vous incitent à dire qu’il faut impérativement un métro en 2035. Ce n’est pas sérieux. Et en plus, quand je parle de propos un peu péremptoires, je crois que c’est Monsieur CAZENAVE qui est plus nuancé, qui parlait d’études, etc. autorisez-moi – moi, je ne suis pas toujours très nuancé -mais là je considère que vous avez peut-être manqué un peu de nuance dans votre conférence de presse. Je cite vos propos : « Le métro est une priorité absolue ». Ce n’est pas seulement une priorité, c’est une priorité « absolue ». Je vais un peu plus loin « On aura besoin du métro en 2030-2035, c’est une évidence absolue ». C’est le mot du jour, « absolu ». C’est Monsieur SALLABERRY qui disait : « Il n’y a pas de vérité absolue. » C’est vrai, il n’y a pas de vérité absolue, mais il n’y a pas non plus de priorité absolue. Il n’y a pas d’évidence absolue. On essaie de doter cette agglomération de plusieurs techniques de mobilité, c’est ce qui résulte du schéma des mobilités. Donc, il n’y a pas de vérité absolue, de priorité absolue et d’évidence absolue. C’est un peu cela que j’appelais tout à l’heure, au début de mes propos, un peu l’humilité. Je vois qu’aujourd’hui – franchement, on va se parler un peu sérieusement entre nous – le seul contre-feu que vous ayez à mettre en face du schéma de mobilité que par ailleurs, je le redis, vous ne critiquez pas et contre lequel vous allez voter, c’est de nous ressortir le métro.
Franchement, non, non, non, vous n’allez pas me déconcentrer Monsieur BOBET, je vous rassure. Vous nous ressortez le métro. Je peux vous dire qu’il y a dans cette salle, et j’en fais partie, Monsieur BOBET, des gens qui sont des adversaires résolus du métro et qui ont, à l’inverse de vous, de la détermination dans les idées. Vous faites état, vous dites : « Toulouse, il y a un métro, ils vont investir plus de 2 milliards pour une nouvelle ligne de métro. » Mais ce que vous ne dites pas, c’est qu’ils ont fait ce choix il y a 25 ans. Vous parliez de squelette tout à l’heure, mais le squelette des transports collectifs, c’est le métro à Toulouse. Ils ont fait ce choix il y a 25 ans, et nous, précisément, il y a 25 ans, on a refusé ce choix. Peut-être que vous pouvez le critiquer, mais il y a 25 ans, ce choix a été refusé à la quasi-unanimité de la Communauté Urbaine pour dire : « Le squelette, cela sera le tramway ». Il n’y a pas la place – je m’adresse à un médecin – personne n’a deux squelettes. Nous avons un squelette, un grand squelette de 77 km. On ne peut pas aujourd’hui nier ce squelette pour rêver d’un nouveau squelette. C’est cela aussi le pragmatisme. Faisons avec ce que l’on a.
Quand j’entends des arguments disant « La population va augmenter donc les besoins de transport vont augmenter ». J’appelle cela une vision comptable des choses. Qu’est-ce que vous en savez ? Vous avez des études socioéconomiques qui vous disent que cela va augmenter au prorata ? Un nouvel habitant, c’est un nouveau déplacement ? C’est vraiment une vision comptable des choses. Ce n’est pas une vision stratégique. Ce n’est pas une vision urbaine. C’est continuer à miser… et c’est là où on a une divergence avec vous, et je le note bien, c’est que pour nous, les déplacements, c’est d’abord une stratégie urbaine. Ce n’est pas une stratégie de tuyau. La stratégie urbaine, cela veut dire que nous ne voulons plus forcément une ville-centre qui est reliée par des couloirs avec sa périphérie, un tramway, des transports collectifs en étoile et des gens qui viennent travailler dans la ville-centre. Nous sommes et nous pourrions partager d’ailleurs ce point de vue pour une agglomération beaucoup plus polycentrique. C’est parce qu’elle n’est pas suffisamment polycentrique, notre agglomération, que précisément – c’est l’une des raisons – nous avons ces problèmes de déplacements, d’amas de populations qui viennent travailler dans la ville-centre, et c’est le Maire de la ville-centre qui vous le dit. Donc, ayons ensemble une vision stratégique, non pas des déplacements, mais une vision stratégique de l’urbanisme. Cessons de parier sur le fait qu’il y aura forcément mathématiquement de plus en plus d’habitants qui viendront en transport en commun travailler dans la ville-centre.
Monsieur DUPRAT, vous avez noté que nous subissons la baisse de la fréquentation des transports collectifs. Vous avez raison, mais on n’y est pour rien. C’est que la culture change. On a parlé de culture Covid, de culture post-Covid qui fait que les transports collectifs, vous avez raison, sont en perte de vitesse. On n’y est pour rien. Je pense que c’est dû au fait que beaucoup choisissent actuellement d’autres modalités de déplacement que, précisément, on veut encourager pour les courtes distances : la marche à pied, le vélo. Pour les plus longues distances, le vélo électrique. Pour les distances encore plus longues, le RER métropolitain. Les mobilités sont en train de changer. Et vous, vous nous ressortez le métro des années 90 qui, à l’époque, déjà avait été jugé inadapté à Bordeaux et vous nous le remettez aussi sur la planche.
Et je veux dire aussi – et là, c’est le Maire de Bordeaux qui parle – autorisez-moi, Monsieur le Maire du Bouscat, à intervenir dans ce débat aussi en tant que Maire de Bordeaux. Je suis un Maire de Bordeaux qui est très soucieux de l’état du sous-sol bordelais. Je ne vous souhaite pas de rencontrer des habitants qui, en pleine nuit, ont dû évacuer en catastrophe leur logement parce qu’il était en train de s’effondrer, qui sont partis en tenue de nuit, qui se retrouvent dans la rue, et qu’à ce moment-là, vous devez les rassurer. Le sous-sol bordelais, c’est une catastrophe. Vous allez me dire : « Les techniques ont fait des progrès ». Les techniques ont fait des progrès, mais vous devrez quand même vous attaquer au sous-sol, lui n’a pas fait de progrès. Il est tel quel. Ce que me disent éventuellement certains techniciens, ils me disent : « Aujourd’hui, on peut tout faire, mais au lieu de vous coûter 2 milliards, il va vous coûter 4 milliards votre métro. » Si vous voulez vraiment être à la hauteur de l’état du sous-sol bordelais, immeuble par immeuble, vous devrez les consolider. Vous pouvez d’ores et déjà avant même le premier coup de pioche, vous pouvez multiplier la note par 2. Et puis, je vous dis en tant que Maire de Bordeaux « Je n’ai pas envie de fragiliser encore davantage ma ville alors que j’ai la conviction – vous parliez de conviction, celle-là je l’ai – qu’il existe d’autres sources de mobilité plus douces, moins traumatisantes pour ma ville, moins traumatisantes pour les habitants » et donc je continuerai à militer pour ces mobilités telles qu’elles viennent de vous être expliquées.
Un dernier argument, le kilomètre de métro, 100 millions d’euros, celui d’un tramway pour aller à Gradignan ou ailleurs, 25 millions. Aujourd’hui, le plan que nous a présenté Clément ROSSIGNOL-PUECH, le Réseau Cyclable à Haut Niveau de Service, 2021-2024, c’est 49 millions. C’est-à-dire pour un demi-kilomètre de métro, vous pouvez avoir un vaste réseau de vélos impatiemment attendu par beaucoup sur la Métropole. Donc, de temps en temps, les chiffres, il faut les mettre un petit peu en balance.
Je pourrais être très long, mais je ne veux pas être très long, je termine là-dessus. Je voterai avec, en tout cas, enthousiasme ce projet. Il existe. Il est ambitieux. Ce n’est pas un renoncement, au contraire, c’est une nouvelle vision dont je comprends qu’elle puisse désarçonner certains, mais c’est une nouvelle vision de l’urbanisme et des transports en commun. Et je le redis, je n’ai toujours pas compris pourquoi vous vous apprêtiez à voter contre. Je vous remercie.