Monsieur le Président, mes chers collègues, en effet, la filière aéronautique et spatiale est un moteur économique de la Métropole bordelaise et de notre région. Pour la Métropole, un des premiers, sinon le premier, cela a été dit ce matin, 30 000 emplois. Cette industrie a marqué l’histoire de notre territoire, de notre imaginaire collectif, Louis BLÉRIOT, Jean MERMOZ, Roland GARROS, Antoine DE SAINT-EXUPÉRY, je suis désolé ce ne sont que des hommes, mais il y a aussi de grandes femmes qui ont marqué cette histoire.
Cette industrie a également un avenir et nous reconnaissons l’incroyable capacité d’innovation des entreprises et des salariés. Le secteur aérien doit faire face aujourd’hui à un immense défi pour ne pas dire la menace du réchauffement climatique.
La réduction des gaz à effet de serre est un impératif et une nécessité scientifique. C’est également un objectif contraignant. La France a pris des engagements pour respecter l’Accord de Paris avec une stratégie nationale bas carbone.
Notre groupe s’inscrit dans un esprit de responsabilité vis-à-vis des entreprises et des salariés de l’aéronautique. Nous ne sommes pas contre l’avion. Pas de caricature, disons-le tout de suite : « Nous soutiendrons les industriels, la filière, les salariés dans la production d’aéronefs décarbonés, électriques, solaires, hydrogènes, mais il faut également écouter les scientifiques. » Le Haut Conseil pour le climat a rappelé, je cite que « La perspective d’une aviation décarbonée nécessitera des délais incompatibles avec l’objectif de température de l’Accord de Paris, c’est-à-dire une limitation à moins de 2,5° », et qu’il est nécessaire, je re-cite
« de négocier avec l’ensemble du secteur aérien une trajectoire ferme de réduction des émissions de gaz à effet de serre. »
La question de la réduction du trafic aérien et en particulier des low cost est donc posée. Par exemple, doit-on accepter une augmentation sans fin des vols de nuit sur notre territoire ? La réponse est non. Nous sommes favorables à une limitation des allers et retours de la navette Bordeaux-Paris. Pas de caricature non plus, ce n’est pas parce que l’on souhaite limiter les vols low cost que l’on est pour la décroissance et le repli sur soi.
Stéphane DELPEYRAT, Vice-président en charge du développement économique, a rappelé dans une interview récente, cette semaine, à un média en ligne, je me permets de citer « La croissance exponentielle du trafic aérien n’est pas durable. » Nous partageons ce constat. Nous aimerions que la Métropole adopte une position claire vis-à-vis de l’aéroport et bien au-delà de l’objectif minimal à nos yeux d’un aéroport bas carbone.
En 2020, l’illusion d’une croissance infinie dans un monde fini s’est dissipée. Nous avons, en effet, la responsabilité d’accompagner la filière aéronautique dans sa diversification et dans sa reconversion. L’impact dramatique de la crise sanitaire et économique sur la filière aéronautique est une alerte sérieuse dont il faut tenir compte. Nous devons construire la résilience de cette filière.
Ce projet TARMAQ, tel qu’il est présenté dans cette délibération de préfiguration, ne tient pas suffisamment compte à nos yeux de cette nouvelle donne climatique et économique. Les enjeux de transition écologique et de reconversion doivent être au cœur du projet. Par exemple, nous sommes un peu surpris que l’objectif de restructuration d’une filière de déconstruction aéronautique ne soit pas clairement exprimé et écrit au centre de ce projet. Bien sûr, nous partageons l’objectif de formation pour accompagner la filière aéronautique. Ceci est bon, et nous le partageons.
Ce dossier TARMAQ révèle surtout la nécessité d’avoir une stratégie climatique et économique métropolitaine pour la filière aéronautique en particulier, et économique en général.
Sous l’impulsion du Président, la Métropole doit souhaiter renforcer son action à destination des filières économiques structurantes. Nous souscrivons cet objectif, mais cela doit reposer sur une stratégie partagée en intégrant pleinement les enjeux climatiques pour accompagner la nécessaire transition écologique des filières, l’accompagnement. C’est cela ou le crash industriel. Cela a été dit. On pourrait citer Charles DARWIN : « Celui qui n’évolue pas disparaît. » Cela est vrai pour les espèces, mais cela peut être aussi malheureusement vrai pour les entreprises ou les filières économiques. Nous connaissons tous des exemples, il faut anticiper pour l’éviter.
Pour ce faire, nous vous proposons de créer une commission partenariale œuvrant pour la stratégie climatique et économique de la filière aéronautique métropolitaine. Il est essentiel que les collectivités territoriales, les scientifiques, l’aéroport, les industriels, mais également les citoyens via le C2D, puissent conduire ensemble un travail de fond prospectif sur ce sujet aussi essentiel pour notre agglomération.
Il nous est demandé aujourd’hui d’approuver une subvention importante, 300 000 euros, pour l’association de préfiguration de la Cité des savoirs aéronautiques et spatiaux TARMAQ. Il appartiendra à cette association financée quasi exclusivement, pour l’instant, par des fonds publics de définir une programmation immobilière du projet et de préciser le modèle économique de ce nouvel équipement.
Un projet ambitieux de 80 millions d’euros qui nécessitera probablement des subventions d’investissement puis de fonctionnement de la Métropole. Nous sommes et nous devons avoir un regard vigilant. Il est possible également de regretter qu’aucune estimation ne soit présentée aujourd’hui. Les partenaires privés doivent être également fortement mobilisés.
Notre groupe a fait part rapidement à Monsieur le Président de quelques interrogations sur le volet aménagement et vous nous avez apporté des réponses et nous vous en remercions.
Il nous semble, néanmoins, que les objectifs de ce projet doivent être revus au regard des enjeux climatiques d’une part, et de la situation de la filière aéronautique suite à la crise climatique et économique, d’autre part.
Vous l’avez compris, nous souhaitons dans une démarche constructive que notre établissement aide à la nécessaire transformation de la filière de l’industrie aéronautique pour prendre en compte à la fois les enjeux environnementaux, mais aussi économiques et sociaux.
En guise de conclusion, je pourrais citer Edgard MORIN « À force d’oublier l’essentiel pour l’urgence, on en vient à oublier l’urgence de l’essentiel . »
Au regard de ces éléments, nous nous abstiendrons sur cette délibération, une abstention constructive pour la suite, vous l’avez compris. Je souhaite rassurer certains élus : nous sommes une majorité solide de nos points de vue complémentaires.